Adira


Hengki Koentjoro



Voix dans la nuit
comme une serpe de lumière
glanant l'amoureux par le devoir
mille fois éconduit.
Adira
pur esprit dans sa robe de chair
dont la fente murmure à la fente
de tous les hauts murs,
déjoue par l'écrit
la société des interdits.
Adira
rebelle à bouche d'abeille
déversant l'or de son miel
 à la conque de l'oreille
qui voudra bien l'aimer,
criant parfois à celle du ciel
et du Père
qui d'une brise légère,
d'un chant d'oiseau, vient encore l'apaiser.

Et puis tout au bout, longtemps après la chute
des barrières
le pas en arrière de l'homme qui au feu
ne se donne jamais.

Alors, Adira se couche et s'endort
dans une tiédeur détestée.






Printemps



Il y a un peu de l'impatience
des fiancées
au matin du mariage
dans l'explosion soudaine
des fleurs du prunier...

***

René Barjavel écrivait:

"Jamais je ne m'habituerai au printemps. Année après année, il me surprend et m'émerveille. L'âge n'y peut rien, ni l'accumulation des doutes et des amertumes. Dès que le marronnier allume ses cierges et met ses oiseaux à chanter, mon coeur gonfle à l'image des bourgeons. Et me voilà de nouveau sûr que tout est juste et bien, que seule notre maladresse a provoqué l'hiver, et que cette fois-ci nous ne laisserons pas fuir l'avril et le mai.

Le ciel est lavé, les nuages sont neufs, l'air ne contient plus de gaz de voitures, on ne tue plus nulle part l'agneau ni l'hirondelle, tout à l'heure le tilleul va fleurir et recevoir les abeilles, les roses vont éclater et cette nuit le rossignol chantera que le monde est une seule joie. Tout recommence avec des chances neuves et, cette fois, tout va réussir."


A ceux qui brûlent






Cette flamme qui brûle au fond des êtres est belle et pure. Ce n'est pas une déflagration qui calcine. C'est une action obstinée et réfléchie, une combustion continue. C'est la force de l'irréductible.

C'est une flamme qu'on ne remarque pas tout d'abord, parce qu'on est souvent distrait par toutes les étincelles et tous les éclats qui tourbillonnent sans cesse : la brillance, le luxe, miroirs partout tendus, phares aveuglants braqués sur les yeux, grandes plages de couleur, de blancheur.

Mais lorsque tout devient gris de fatigue et d'usure, lorsque la plupart des êtres se sont éteints et se sont effacés, alors on remarque cette lueur étrange qui brille par endroits, comme des feux de braise. Quelle est cette lueur? Que veut-elle? Est-ce le désir? Le plus simple désir alors, la force de la vie, la force de la vérité.

Ceux qui refusent les mensonges, ceux qui ne sont pas com­promis dans les affaires louches du monde, ceux qui ne se sont pas avilis, qui n'ont pas été vaincus, ceux qui ont continué à vibrer quand tous les autres se sont endormis : la lumière n'a pas quitté leurs yeux. Elle continue à sortir de leur peau, de leur âme, la lumière pure qui ne cherche pas à vaincre ou à détruire.

La lumière pour cette seule action : voir, aimer.
Je cherche ceux et celles qui brûlent. Ce sont les seuls immortels.


JMG Le Clézio
 ***

(ceci accompagnait ce texte. Ces mots sont toujours pour moi extrêmement vivants, émouvants, elle était déjà très malade... Comme m'émeuvent profondément les gens qui me percent et me voient telle que je suis au-delà des masques convenables. Danielle m'avait surnommée "Ziza", qui ne s'enorgueillirait pas d'un tel cadeau? L'auteure est passée de l'autre côté du miroir mais ses enfants accédant à sa demande n'ont pas fermé son blog. Il contient des merveilles de textes, de poésies, venus de tous les horizons tant Danielle était riche de toutes les cultures. Je vous invite à lire son espace qui demeure un lieu de lumière, trois ans bientôt après sa disparition...)
Ziza : éclat de lumière

Le cadeau est pour moi !!!
Quelle surprise de découvrir "ma" flamme en entête du texte profond de J.M.G Le Clézio.
Je l'apprécie toujours autant ainsi que Pascal Quignard et Erri De Luca.
Je ne sais pas quand je reviendrai, mais je reviendrai.
Je cherche à allier les textes proposés à ma voix : lire et dire. Pas facile de trouver quelqu'un qui pourrait m'aider !

La vie comme elle vient, sans gloire ni défaite excessive, jour après jour.

Merci infiniment, chère Ziza.