Neige en septembre





Mon heure vient.

Mon heure vient...

Mais avant je veux revoir
la neige.
L'hiver, cette vieille canaille
avec ses boucles d'argent aux oreilles,
debout à la proue de son grand galion cliquetant.

Je veux les bijoux aux fenêtres,
ces cristaux bien plus beaux  que des diamants,
et mes piafs poudrés
comme des marquises d'antan,
leur donner les graines de l'été
pour qu'encore ils reviennent me transporter
d'un coup d'aile.
Je veux la vie aux joues rouges
avant la mort aux gants blancs,
je veux toi, mon Amour
mon feu, ma Saint-Jean
je veux tes bras, ton souffle, ta chair
et tes baisers de mille ans.
Je veux notre connivence et nos rires,
la chaleur de ta bouche
jusqu'à ce que tout pour moi, soit éteint.
Mais avant je veux revoir la neige
en guirlande à mes sapins...


2014

Muladara





Si j'en crois nos rêves sont siamois.

De l'occiput au sacrum nous sommes soudés, nos cortex s'interpénètrent, coïtent, se fécondent et accouchent du même fantasme. Nos langues habiles organes sexuels s'agitent, frétillent, remplissant le vide de chants sensuels. Nos essences se superposent, s'accouplent, tournent et se tressent dans d'improbables et fluides caresses. Un désir transcendé par les impossibles soulève chacun de nos atomes, sous cette poussée d'énergie vitale l'air devient érectile. Tu-je sommes lumière d'amour, anneaux d'amour clos au cocon de volupté. Le monde s'efface et disparaît. C'est nous qui brille dans la nuit éternelle. Comme une étoile.

Je n'ai besoin de rien d'autre que de ta semence dans ma tête. Éjacule tes flux dans mon con-cortex.

Ne bouge plus: rêve.

Ne bouge plus: je me déverse.

Je ruisselle doucement du haut jusqu'en bas, lubrifiant ta colonne d'argent. Mon crâne est un roc fendu d'où coule une source intarissable. Je te donne mon eau. Je te nourris de mes rêves. Je suis matière morte mais énergie vivante. Je suis soleil.

Pour apprendre à ne plus brûler j'ai traversé l'univers et toutes les sagesses. Les mots m'ont porté, donné des ailes, mais aucun d 'eux n'a pu me retenir, m'empêcher d'avancer. Mon corps déhiscent a libéré l'esprit qui a libéré la chair.L'esprit est doux, la chair est bonne.

Rien de toi ne m'est secret et sous ton regard intérieur, je suis plus ouverte qu'aucune femme ne pourra jamais l'être. Dos à dos nous nous faisons pourtant face. Je suis tout entière ruée dans ma bouche à la tienne abouchée dans la chaleur humide d'un éternel baiser. Mon corps est une pieuvre par tous ses bras au tien amarré. Tous tes appendices sont plantés dans ma chair astrale. Succion primaire. Archaïque.

Énergie rouge.L'un en l'autre ployés, déployés.Orgasme tournoyant.


Noués par le bas et le haut, Ouroboros peut enfin onduler.


2011  
Michael Parks

Créature


M.S Nevado





On vous dira

Que je suis un monstre. Une créature cruelle.
Un jet de napalm jailli d’entre les cuisses de l’enfer.
On vous dira que mon cœur est démoniaque,
Qu’il est irrigué de fiel, qu’il n’est pas de chair
Que son battement n’est que l’inquiétant tic-tac
Des rudes rouages d’une machine atrabilaire.
On vous dira, que je suis une femelle irrationnelle
Qu’il faut craindre mon pire quand plissent mes paupières,
Et que mon sourcil s’arque d’un tic un peu félin.
On vous dira encore, que mes larmes sont celles des sauriens,
Que mes mains brûlent, que mes doigts de velours
Tranchent et détaillent tout ce qu’ils touchent,
Que ma langue est si dure, que s’y fendent les mots d’amour,
Et que mes vers tuent, parce qu’ils font toujours mouche.

Croyez-le.

Croyez les bons samaritains de l’ordre et de la norme
Ils disent mon chaos, leur peur de mon désordre,
La passion qui a fui le morne, le vide de leur corps
Car elle ne peut plus rien pour les hommes déjà morts.

Ce qu’ils ne diront pas, c’est tout ce qu’ils ignorent
Ce que leurs yeux crevés, ne pourront jamais voir.
Ce qu’ils ne diront pas, c’est bien qu’à chaque aurore
Je me dresse l’âme bleue toute lavée du noir.
Et que le Grand Principe m’a fait tellement immense,
En me taillant d’une pièce au pan de son manteau,
Déposant sa parole au creux de mes silences
Que face à l’arbitraire, mon cœur demeure flambeau.
.
.
Alors, au juste que m’importe d’être haïe des cloportes,
Des zoïles aux dents nues claquant vaines au vent.
Leurs malédictions sont coquilles que l’onde folle emporte
La Créature a pour elle, les parfums d’oliban.
.
.

2007

Des ânes






Elle voulait que je range mes jouets
Que je vienne pour la sieste
La journée était trop belle
Pour la gâcher dans le sommeil.
Je tenais des ânes qui se braquent
Et des armes qui s'enrayent :
Elle eut tort de vouloir me plier quand même
En me promettant une fessée.

Alors, je lui ai hurlé que j'allais me tuer.

J'ai jailli comme une balle éperdue
De l'enclos de la cour
J'ai volé, mon Dieu, j'ai volé par-dessus le blé vert,
Propulsée par ses cris et sa colère.

Deux ailes folles avaient crevé mon dos
Et je volais à toutes jambes
Vers la mort qui roulait, à un jet de pierre
L'épaisseur noire de ses flots.

J'ai volé véloce pour échapper à la vie
A son odieuse contrainte
Qui se posait en joug à mes reins.
Quand elle a compris que je ne ferai pas demi-tour
Elle s'est jetée à genoux,
Et les deux mains au ciel
M'a supplié de revenir.

L'univers s'est assourdi d'un coup, et j'ai couru plus vite.

A un mètre de l'eau, je suis tombée.
La raison m’a alors rattrapée :
Je ne savais pas nager.



2007.

...





Jamie Heiden



J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres.
Paul Eluard

Des lieux massacrés





Le bruit au loin
la vie là-bas
agitée, superficielle.

Le cheval mange encore son pré
au-delà des hauts barbelés.
Mes pieds avancent sur le sentier
que la ville a goudronné.
Arrachée la voûte tendre
de parfum des chèvrefeuilles,
dispersée la danse lumineuse
de toute une société secrète
qui vous frôlait les genoux
indifférente à tout, sauf à sa fête.
Au moins la longue garde des peupliers centenaires
n'a pas pris fin
sous la morsure des bulldozers.
J'aimais ici, c'était un bout de jardin
le long de la rivière
où les citadins venaient respirer
autre chose que leur misère.
Une sente fleurie de papillons
qui jouaient dans une lumière libérée
du béton et des pierres,
un lieu brut où aller l'amble
et se ressourcer
au chant de la terre
que des humains aveugles à toute beauté
ont décidé de rendre pratique
et désolé...


2014



Pour ne pas mourir









Éveillée le jour
réveillée la nuit
l'âme en transit dans un corps en sursis
trempée à l'eau des larmes
la tristesse infinie
le chagrin de l'homme assassiné par l'homme
éternelle marée haute
et la joie, l’émerveillement
en frange étincelante, écume
qui pousse par-dessus
se décide triomphante
et m'aide à avancer chaque jour
un peu plus.


2014