Enoki Toshiyuki |
Si je t’aime ?
Je t’ai toujours aimé.
Je t’aime d’un ailleurs dont nous n’avons plus qu’un vague
souvenir. Un souvenir ténu, fil d’Ariane qui nous relie par ce coin de mémoire
inaccessible, qui sait tout mais qui se tait. Et dont on ne capte les yeux
ouverts, que de vagues reflets comme l’onde mobile trahit l’éclat furtif de la
truite. Un éclat argenté, rien de plus. Le reste, c’est le cercle dans l’eau
qui nous le dit.
Je ne sais pas, même encore aujourd’hui, ce qui nous
rapproche, aimante nos pôles antagonistes. Je ne sais pas mettre un nom sur cette
chose, ce noeud, ces barbelés, cette cellule ouverte, ces menottes mentales.
C’est comme un appel, un effluve, une trace, c’est indistinct, incertain, et
potentiellement indestructible. C’est comme une soif qu’aucune source ne peut
étancher, une faim que même la mort ne rassasiera pas. Je le subodore.
Peut-être que c’est beau.
Peut-être que c’est moche.
Peut-être que c’est faux.
Peut-être que c’est un songe. Ou un cauchemar.
Que faire ? Qu’enfer ?
Mon coeur, ma fierté, mon soleil, me porte naturellement vers
le haut. Où tu n’es pas. Pas encore. Sans doute jamais. Je suis déjà trop loin,
si proche, irréversiblement proche, et pourtant déjà trop loin. On s’est
croisé, manqué. Le témoin est au sol, dans la poussière. Je ne l’ai pas
ramassé. Une autre l’a fait. Le cordon demeure, inaltérable même souillé. Il
luit de son or magique.
Quand tu viendras lire mes mots, comme à l’eau de la source
claire tu ne pourras que boire, te baigner le visage, te laver les mains, mais
tu ne pourras rien emporter. Tu ne pourras qu’un instant, rien qu’un instant,
apaiser ta soif. Goûter à cette fraîcheur vulnéraire. Seulement cela.
C’est peu, mais c’est tout. Et c’est déjà miraculeux.
Je ne sais pas ce qui nous lie, et il y a tant de miradors…
Très beau, comme toujours.
RépondreSupprimerEt merci de m'avoir appris le mot "vulnéraire" ! :-)
Merci à toi d'avoir la patience de me lire, je t'embrasse :)
RépondreSupprimerAh non ! pas la patience, juste le plaisir. :-)
SupprimerC'est beau, tout en douceur, tout en fraîcheur, et si ce n'est qu'un songe qu'importe, puisque un bel éclat demeure...
RépondreSupprimerJe suis contente de te lire à nouveau, Dé, j'ai quand même eu un peu peur il y a quelques jours^^
Hello Ka' :) C'est déjà un "vieux" texte mais je vais republier toutes mes "lettres". J'ai dans l'idée de faire de ce blog (tu vois il ne va pas disparaître même s'il subit des arrêts plus ou moins longs) le recueil interactif de tout ce que j'ai pu écrire. Comme je le disais à une amie, le meilleur moyen à l'heure actuelle pour un écrivant de faire entendre sa voix c'est de diffuser autant que possible son "oeuvre". Aussi petite soit-elle. Les recueils papier c'est bien mais si confidentiel. Et puis moi je suis pour le partage ^^ Alors voilà pourquoi j'ai renommé mon blog, il va demeurer. Après moi peut-être. C'est totalement naïf et rien n'est pérenne mais qu'importe.
SupprimerJe te bise ma chère discrète :*
On prend le moment, mais on n'en garde que le souvenir. Et le souvenir, au fil du temps, quand le monde se vide de sens, ou quand le cœur prend froid et grelotte seul, on sent que ce n'est pas loin du rien, peut-être même parfois qu'une illusion de quelque chose, qu'on a peut-être cru, qu'on a sans doute voulu, mais dont plus rien ne nous assure que c'était bien réel...
RépondreSupprimerJe brode sur ton fil, c'est ton fil qui m'inspire, et ma dentelle n'y ressemble peut-être pas, ou pas tant...
Bien des bises, et merci d'être revenue après cette impasse de tristesse qui faisait froid.
Dans mes pires moments quand je me perçois comme extrêmement lucide (ou extrêmement désespérée) je me dis qu'il n'y a que le vide, que rien n'existe que dans notre tête. Que Maya et ses voiles est souveraine. J'ai des instants de désespoir absolu, qui sont aussi des instants de lumière absolue. Écarter toutes ses illusions, ses rêves moisis, cela demande un courage quasi-suicidaire. Que l'on ne peut avoir que pendant de très brefs instants sinon on y perdrais la vie. C'est déjà bien difficile d'avancer sans savoir où l'on va et si seulement il y a un but à tout cela. J'aima avoir les idées claires mais j'aime aussi rêver. Ecrire c'est rêver. Inventer. C'est peut-être pour cela que j'y ai tant de plaisir.
RépondreSupprimerCroire à l'illusion. Oui tu as mis le doigt dessus mon Bifane, il faut notre complicité pour que l'illusion se déploie et grandisse. Est-ce tout ce qui nous reste pour supporter l'horreur de la vie?