Amma





On m'a arraché de l'âme
la grande Déesse-Mère,
Aphrodite la ronde, Isis la fidèle,
pour y mettre un seul dieu mâle.

Mais quand il se penche sur moi
Il choisit son visage de femme...


2017

Facéties



Il parait que je ne suis pas "commode".

C'est vrai, je ne suis pas de bois. Je ne suis pas meuble. On ne me déplace pas à son gré de la chambre au grenier. On ne me fait pas avaler n'importe quoi même si c'est le foutoir dans ma tête à tiroirs. J'ai un mental d'abeille entre dard et miel. D'ailleurs, je sens plus le caustique que la cire de mes ancêtres. C'est ma capacité d'armoire normande à la dérision et à la tendresse qui me fait briller. Mais ne brossez pas Martine: l'égo est bien rangé. Avec les mites et les vieux papiers. A quoi bon n'être que JE quand on glisse à l'intérieur de tous les autres par leurs yeux, leur bouche?

N'être que flots.


Des Roses




J'ai aimé votre enfance.


J'ai aimé son flot sans heurt, sans remous, et pourtant joyeux, bondissant, clair comme celui d'un ruisselet entre quelques cailloux de printemps. Votre enfance fut vert doux comme un chaton d'avril.

Et les jours coulaient pareillement limpides, baignés d'une lumière qui ne faisait pas encore mal.

J'ai aimé vous tenir au jardin de mes bras. Mais vous y avez poussé jaune soucis, sous un soleil ambigu. Mes illusions avaient planté des roses.

Les tempêtes sont venues, passées, restées pour certaines, et je n'ai rien pu faire. Que recevoir la pluie, vous abriter entre mes bras. Ou du moins, tenter de vous garder au chaud, au sec.

L'eau m'a rempli ras les créneaux. L'enceinte s'est effritée, minée misère. Fatalité. Que peuvent mes bras d'amour contre toi ? Rien. Si ce n'est demeurer jusqu'à l'heure du tomber. Jusqu'à l'heure du tombeau. En restant forts, clos, ouverts, jardin, fontaine, forts, forts, forts.

Mon été au ventre fut frappé. Août est désormais deux fois nu dans sa chair si fragile, à peine garanti sous sa force léonine. Saura-t-il traverser tous les tourments qui restent avenir sans y laisser l'espoir et le rire? Que d'orages s'amoncellent, piaffant noirs et furieux à son ciel, les crocs découverts...

Reste Janvier, le front clair. Grand et droit, mais tendrement naïf. Cet hiver-là croit. Il jongle comme saltimbanque avec les jours de son futur. Il ne sait pas. Mais peut-être que si. Peut-être que les nuages l'épargneront.

"Femme, tu plantes encore des roses, réveille-toi."

J'ai aimé votre enfance. Elle perdure en moi et fait ma force. Mon terreau.L'éternelle nouveauté de l'amour.

Et, sais-tu, mes graines de roses sont devenues  des roses,
Sous l'apparence des soucis.


2008

Aimer encore









Aimer
C'est aussi renoncer à débattre.
Non par lassitude
Mais par éblouissement.
C'est voir l'extrême vacuité de tout
Des mots
De l'élan guerrier du point de vue
Des dogmes
C'est choisir délibérément
D'être en paix
En lumière, en soi, pour soi
Sans l'autre souvent
C'est lui abandonner la joie
Aussi vaine soit-elle
D'une victoire
Et savoir jusqu'au coeur de son coeur
Que l'on a fait dans un sourire d'amour vrai
Le bon choix.



2014

Elégie










Je l’écrivais… bientôt je n’osai plus l’écrire,
Et mon timide amour le changeait en sourire.
Il me cherchait la nuit, il berçait mon sommeil ;
Il résonnait encore autour de mon réveil ;
Il errait dans mon souffle, et, lorsque je soupire,
C’est lui qui me caresse et que mon cœur respire.

Marceline Desbordes-Valmore

OctOBre






Octobre s'allonge sur la page
en rondeurs lascives
plein de seins, de fesses et de cuisses.
Il a la peau dorée, le cheveux roux
et l'oeillade humide.


../..


Octobre pour mieux nous voir
a mis lorgnon et lunettes.
Grand chambellan paré de cuivre et d'or
de damasquin, de ciselures
il annonce la bouche ronde, la venue prochaine
de Décembre, le roi vénérable.
Entre ces deux lumières, Novembre
comme un fils maudit. 

Tu quoque fili?


2009