Tu étais en vie




Tu pars il fait nuit.
Tu rentres il fait nuit.

Tout ton jour dans la pénombre
tu as veillé une machine
qui frappe lourdement du métal,
oubliant que par-delà les murs noirs
il y a le soleil. Ou la pluie.

Homme-outil, variable économique
courbé par le mépris et les cris
de supérieurs absurdes, écrasé
jusqu'à marcher derrière ta propre vie.

Ta vie qui se déroule sans choc, sans bruit
entre deux rails où tu somnoles
-l'index et le majeur des voleurs -
confisquée à ton insu.



2018
Jean-Claude Seine

4 commentaires:

  1. Quel bel hommage à cet homme-outil méprisé, aux mains si calleuses, à la peau durcie, tant épaisse, mais transcendé par son travail devenu belle oeuvre. Il ne connaît pas le jour lumineux, mais le jour sombre, ni le sOleil, ni la pluie... mais il était en vie cet homme-outil dis-tu ... peut-être s'agissait-il de ton papa, ou d'une personne chère à ton coeur. Dans tous les cas tes mots sont beaux, Dé, et ils me parlent beaucoup.

    Merci de nous les offrir.

    Je t'embrasse.

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Den :) Ce poème parle de tous ceux qui ne sont pas des "premiers de cordée" mais qui font un travail indispensable à la vie de notre société. Ceux qui découpent du métal, qui coulent du béton, qui posent des tuiles, travaillent la terre. Tous ces hommes et femmes qu'une certaine classe sociale méprise aujourd'hui sans même s'en cacher, j'ai de l'affection pour eux. C'est mon milieu, et quand je vois à quel point la bourgeoisie peut être déshumanisée, je n'ai aucun désir de faire partie de ces "premiers de cordée"...

    Bonne journée Den, bise :)

    RépondreSupprimer
  3. Tout à coup j'ai eu le sentiment que tu parlais d'un de mes oncles, manœuvre dans une usine, presque sourd à cause des bruits assourdissants des canons quand il a fait la guerre 39/45.
    Il a — à proprement parlé — offert un doigt à son patron. Le doigt fut arraché par une machine et tomba au fond d'une cuve où il ne put être récupéré. Et d'ailleurs à quoi bon… on ne greffait rien de ce genre dans les années 1950.
    J'ai toujours eu pour lui une profonde admiration. J'ai parlé de lui en son temps sur son blog et dans mes livres…
    (Désolé de commenter avec tant de retard, mais je fus pas mal absent du net ces derniers temps…)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui c'est ça Alain, je parle de tous ces gens, hommes et femmes, qui travaillent jusqu'à l'abrutissement dans des usines. Ces vies sacrifiées ça me laisse un goût si amer dans la bouche. Je suis de ces familles ouvrières, laborieuses, dures à la tâche. De ces gens qui ne se plaignent pas, qui taisent tout, toute leur vie...par grâce j'ai cette capacité à écrire pour dire les miens,ceux qui n'ont pas ou plus de voix pour le faire.

      Supprimer