Chaque fois




Chaque fois que le lent mouvement des astres
qui régit l'univers
me ramènera vers toi
ne sauras-tu jamais m'accueillir
que pour me briser le coeur?
Tant de froide distance, de lippe pincée
de portes ouvertes puis refermées, dressé que tu es
sur ton propre rocher, tour à tour brûlant
puis frileux, triomphant et vaincu,
me refusant la parole
et moi les mains encore tendues.
Mais fragile sur mes deux pieds,
et si sûre de rien, car toi fuyant
instable, me donnant à nouveau le branle
le signal du départ pour que je m'éloigne,
me voilà à nouveau saisie
tirée en arrière, frappée par la voix trop claire
du clairon de la retraite,
me voilà emportée
dans le lent mouvement des astres,
où s'accordent ténèbres et lumière,
mais nous, jamais.


2019




10 commentaires:

  1. Comment commenter un tel texte....
    C'est tellement fort et puissant.

    Ces relations qui se cherchent sans aboutir.
    Qui appellent du fond de l'univers et se séparent sans se quitter

    la force évocatrice en quelques mots, quelques vers
    qui vous prend et vous emporte là où tu veux qu'on aille
    Cette fin qui claque comme une désespérance encore espérée…
    parce qu'il faudra bien s'accorder dans le mouvement des astres.

    Moi je dis que c'est de la grande poésie…

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    1. Bon allez Alain, tu as gagné: c'est à toi que je décerne la couronne en or plaqué 2 carats de roi des fans de moi. ^^ Je plaisante. Et je suis tellement touchée que tu sois touché, que tu plonges tant entre les mots. Merci d'être d'un tel encouragement. Vraiment, sincèrement. J'ai ici une poignée de personnes formidables, de vrais beaux zhumains et franchement ça suffit à mon bonheur, pas besoin d'aéropage applaudissant quand on a quelques vrais lecteurs.

      Bise cher Alain

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    2. S'il existe un défaut que je n'ai pas, c'est celui de flagorneur.
      Mais oui, je t'encourage. Mon désir est que tu aies confiance dans ce don que tu as reçu. Faudrait-il renoncer à écrire ce qui fait un bien intense à d'autres ?
      Tes poèmes touchent mon âme. J'ai toujours pas très loin de moi ton petit recueil.
      À quand le suivant ?

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  2. Il est comme cela des filles orphelines de leur père même quand il est encore là, des femmes veuves de leur mari, simplement par la distension des liens...
    Je connais ce sentiment, éprouvé jusqu'à la nausée de trop longues années.
    S'acharner, s'entêter, rechercher l'impossible, l'inaccessible, l'impensable...
    C'est comme gratter une porte en pierre avec ses ongles, en pensant la faire céder.
    Merci pour ce texte fabuleux !
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    1. C'est difficile les relations humaines, à plus fortes raisons lorsqu'elles sont "intimes". Parfois je me dis que les femmes et les hommes ne sont absolument pas fait pour vivre ensemble et je pense à la phrase fameuse de Duras qui écrivait qu'il faut vraiment beaucoup aimer les hommes, vraiment vraiment. Sinon c'est impossible. Parfois ce n'est même plus de l'amour que réclame la relation, c'est au-delà. Il faut savoir y parvenir sinon on souffre toute sa vie. Et ça c'est une perte de temps.

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  3. Bon je me contenterai de la médaille en chocolat de reine des fans de toi, alors... :-)

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  4. Comment peut-on exprimer autant de froidure, de non-amour ?? il suffirait peut-être de si peu de choses pour se comprendre et s'aimer ; serait-ce possible de refuser ce besoin intense quand une main d'enfant attend tant de son géniteur !!
    Peut-être a-t-il subi ce qu'il ne peut epreindre, dire !! je ne l'excuse pas. Au contraire il devrait comprendre ce dont il a manqué !! mais je suis franchement émue par la profondeur de ton texte, Dé, tes mots si riches dans un lointain qui dit tant...
    Merci pour ce rare talent qui m'a manqué ces derniers mois. !
    bisous.

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    1. Ah mon père...j'ai beau lui chercher des excuses j'ai du mal à lui en trouver excepté le fait qu'il a eu lui-même un père épouvantable. Pourtant sur sa tombe je lui ai pardonné et l'ai assuré de mon amour inconditionnel. J'avais écrit un autre texte à ce moment-là où j'espérais que passé de l'autre côté il pouvait enfin voir tout le mal qu'il m'a fait et combien je l'ai aimé malgré tout.

      Merci d'être de ces lecteurs patients et passants, même silencieux.

      Bises

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    2. Je me permets d'intervenir dans cette réponse. D'abord pour te dire que j'admire l'intensité de ton amour filial. Et il me semble que cela s'ouvre à l'intérieur de soi quand on réalise qu'une personne humaine, ton père en l'occurrence, n'est pas réductible à la défaillance de ses comportements qui ont causé de la souffrance en nous.
      Arriver à vivre cela c'est porter bien haut sa propre humanité.
      Je ne sais pas si tu réalises la beauté et la grandeur que tu vis à propos de ton père.

      Pour ce qui est de ta dernière phrase à propos d'être « passé de l'autre côté » je pense au concept du « purgatoire » enseigné au catéchisme catholique que j'ai suivi. Je ne comprenais rien à cette sorte de punition infligée. Je pense que si cela est, c'est quelque chose que l'on s'inflige à soi-même, librement, ou du moins parce qu'il est impossible de faire autrement. Il faut du temps pour se purger intérieurement de toutes les défaillances que l'on a pu avoir qu'elles aient été involontaires, inconscientes, ou délibérées.
      C'est sans doute en cet endroit qu'il y aura « des pleurs et des grincements de dents ». Mais ce ne sera pas une punition. Simplement une forme de purgation comme on élimine des calculs rénaux… pour aller mieux, pour aller bien.

      Allant plus loin, il était question dans certaines liturgies de « prier pour les âmes du purgatoire ». Je pensais que cela ne servait à rien.
      Cependant… si c'était une manière d'entrer dans le pardon. Car si on prie pour quelqu'un c'est qu'on lui veut du bien. Si on lui fait du bien, c'est qu'on l'aime… par-delà la mort…

      (Je me permets ce commentaire en raison du fait que ce blog est devenu « privé »)

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  5. Encore un poème qui aspire, qui bouleverse et inspire. Je rebondis sur les rebondissements d'AlainX: Mon père écrivais que le purgatoire était une façon multiple de revivre ta vie et là où tu avais été bourreau (ou simplement agresseur ou maladroit), tu revivais les faits dans la "peau" de la victime tout en gardant la conscience du bourreau. Une sorte d'empathie imposée où tu te ferais mal à toi même. Seule la conscience absolue des autres, humain, animal, végétal, minéral, pouvait t'amener à la rédemption. Mais si on pouvait éviter d'attendre l'éternité pour cette prise de conscience...

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