Une autre boxe du silence






En arriver à mentir pour dissimuler sa bienveillance. Sa bonté. Prendre le parti de la moquerie pour ne pas montrer ce coeur que, mon dieu, nul ne saurait voir. Cacher toute sa beauté intérieure, ce jardin dont rien n'est défendu mais caché par obligation face aux ravageurs. A ceux qui parlent trop fort et jugent trop tôt.A ceux qui ont eu mal et qui ne savent plus donner que ça en retour. A ceux qui ne savent plus que donner des coups de canif dans la poitrine de ces autres qui ne se défendent même pas. Plus. A quoi bon? Ajouter de la violence à la violence. Laisser faire, abandonner le corps qui gémit sa douleur d'être imbécilement attaqué et fuir par le haut. La meilleure défense ce n'est pas l'attaque: c'est l'accueil.

Celui qui s'élève est intouchable.

Alors mentir, mettre du gras et de la crasse sur ce qui est étincelant pour en dissimuler l'éclat. Assourdir les couleurs, salir de gris les plus doux penchants de l'âme, parce qu'on vous décide ridicule d'être ainsi fait. Bon. Qui rime forcément avec "con".

Mais j'ai choisi mon combat. Avec la plume et la voix, l'air de rien et dans la plus extrême lenteur, ne rien bousculer qui donnerait l'alerte. User d'une ruse suave- la grande douceur- remettre les cris à leur juste place: celle de l'impétueuse bêtise. Faire plus que montrer la nuance, être la nuance. Le camaïeu qui ne condamne aucune couleur.

Et à la place des coups, offrir un oiseau.




ps. Je pratique depuis une année le Tai Chi Chuan. On l'appelle aussi "Boxe du silence".

...





Il est bon d'avoir l'esprit ouvert, mais pas au point que le cerveau tombe par terre.
Lawrence Ferlinghetti

Laisse-le



Laisse-le.

Laisse-le être là, à côté,
Silencieux, tout cassé,
Ignorant qu'il l'est.

Laisse-le apprendre,
Il est plus lent que toi,
Qui est aussi lente
Qu'une étoile peinte
Sur un panneau de bois.

Ne lui donne plus de coups de pieds
Pour le faire avancer,
Ne pince pas son oreille
S'il ne veut t'écouter.

Laisse-le être là
Simplement silencieux.
Pose-toi dans la tendresse
De ton coeur de feu
A quoi rime que tu le blesses
Sinon à vous rendre malheureux
Laisse-le.

Il est plus faible, regarde-le
Il est si maigre aux fond des yeux.
Il n'a pas ton ampleur
Ton embonpoint amoureux,
Il grignote, tu dévores
Le monde et ses couleurs,
Tu éclates de bonheur
Il le refuse encore
Comme il peut.

Alors laisse-le, doucement
Être là sans y être
Il tient si peu de place
Laisse-le.

2011

Stase





James Fodor



Et courir
longtemps, hors d'haleine
se jeter le front contre la vie
l'écume du coeur
bordant les lèvres, la peau calme
mais l'âme toute frangée d'orages.

Dévorant dévastant tout
sur son passage, vidant les vergers
éviscérant la Lumière
sans jamais parvenir à combler
la faim.

Être frappée par une f o u d r e    l  e   n    t     e.

fendue en deux comme un arbre

Tomber à genoux dans ses larmes, se voir rattrapée
par la fatigue immense et triomphante
et plier. Enfin plier.

Accepter la défaite
et triompher.

S'asseoir. Rassembler ses jambes lasses
sous son corps las
s'arrêter, complètement s'arrêter
respirer,
s'ouvrir

et goûter au vin vif
de la Vie.


2013