Compte à rebours




Ô Mère.

Pendant qu'on t'assassine
pendant que tu râles à travers tous tes oiseaux,
tes baleines et tes lions,
pendant que disparaît ta musique d'abeilles,
que le silence tombe sur la Terre
comme sur un cimetière,
avec tous les autres, je fais bonne figure.

J'écris l'amour pour assécher le désespoir,
j'écris à mon coeur puisque c'est écrire au tien,
puisque nous sommes tous liés
- moutons noirs moutons bleus -
dans la même gerbe tombée au feu.

Ô Mère, ma lumière avec toi s'éteint
Et je souris encore, pour protéger les miens.

Je porte le masque des jours glissants
rapides sous la faux,
et pour ne pas mourir trop vite
j'écoute de plus en plus souvent
ton chant toujours puissant en moi,
qui monte et fait de ma bouche un appeau.
Je suis bien trop petite pour être ton porte-voix,
mais je ne sais plus vivre
sans être vive de toi.


2017

S'en fout







S'en fout les miaulements
les guilis-guilis
les souris, le rose bonbon
s'en fout de toutes ces conneries
ces menteries
qui creusent le ventre
et l'esprit.
S'en fout de tout
veut plus souffrir, envoie au diable
les faux amours
les faux amis
l'est pas un jouet
dont on jouit
mordra les doigts et les non-dits
en veut plus de tout ce fourbis
ces petits tours et puis s'en vont
des marionnettes et des flons-flons
du manège qui donne le tournis
veut du solide, du concret
du sincère, du vrai
sinon s'en fout
s'en fout, s'en fout, s'en fout!
Sent tout, prend tout
dans la gueule,
s'en fout pas quand ça uppercute sec
les dents qui volent
et le coeur qui pète
ramasse vite sa pauv'tête
et puis se répète
comme un mantra
un pansement raplapla
qu'elle s'en fout
que c'est la seule voie
alors s'en fout
souffre mille morts mais s'en fout
s'en fout, s'en fout, s'en fout...
Et si c'est pas vrai
tant pis, s'en foutra aussi.


2011

Ce qui restera



Il y a un peu plus d'un an disparaissait l'une de mes plus anciennes amies de toile. Elle était poète et s’inquiétait de ce que deviendraient ses textes après elle. Quelques semaines avant son décès soudain elle s'en ouvrait encore à moi. Certes on peut toujours se dire que ce ne sont que des mots, mais en vérité c'est bien plus que ça.

"J'écris pour que le jour où je ne serai plus
On sache combien l'air et le plaisir m'ont plu,
Et que mon livre porte à la foule future
Combien j'aimais la vie et l'heureuse nature."  Écrivait Anna de Noailles. Andrée sodenkamp, cette immense poète belge quasi-inconnue, écrivait à sa manière très terrienne et charnelle qu'elle nous porterait à travers ses poèmes "de beaux morceaux de corps".

Agnès est partie sans avoir eu le temps de rien. Je vais donc me laisser "à ceux qui se hasardent à chercher dans les mots l'ombre des pauvres morts" *.

Pour cela j'ai ouvert un blog-recueil à ciel ouvert. Il se trouve là et j'y dépose chaque jour des textes neufs ou anciens, enfin ce que je pense être un peu intéressant. Lui aussi s'appelle Le chant du Merle, il n'aurait pu se nommer autrement. C'est par-là. <cliclic


* Andrée encore...

...








"J'ai tellement de larmes dans ma bouche, que cela me suffirait pour boire toute ma vie" Consuelo de Saint-Exupéry