Du papier sur mes doigts



Père
maintenant que tu vois tout
depuis l'autre côté,
le vois-tu ce trou, cette béance
que j'ai dans le coeur
ce vide que rien    jamais   ne vient combler
cet espace qui était à toi
où tu n'es pas venu habiter.
Les vois-tu ces larmes
que je ne verse pas, ce coeur enflé
de marées refoulées?
Cet espoir recroquevillé comme un enfant
dans le noir d'une cave
et qui me hante encore
bien que je ne crois pas
aux fantômes.
Croyais-tu que ce papier sur mes doigts
effacerait
les matins sans pain, les soirs sans dîner
les manteaux trop courts,
et tes yeux froids?

Ici aussi, tu as échoué.

Père
maintenant que tu vois tout
depuis l'autre côté
le vois-tu cet amour
que tu as laissé...

2013

6 commentaires:

  1. C'est éloquent, limpide, même un peu glaçant si l'on songe un peu à tout ce qui transparaît derrière ces mots touchants, à la fois un cri d'amour désespéré, l'expression d'un regret éternel, et un cri de colère ! Une dualité qui fait toute la force de ce poème existentiel, une dualité dans laquelle sans doute je me retrouve aussi, même si l'objet est forcément différent. En somme une dualité quasi universelle, qui fait partie de nous, qui nous construit, parce que les choses ne sont jamais aussi simples et tranchées que peuvent l'être le noir et le blanc ! Bref, la belle et juste crudité de tes sentiments mis à nu m'impressionne. J'aime te lire, comme toujours :-)

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  2. Je dors mal et la nuit porte conseil. Sous la croûte noircie de la colère reste la plaie rose de l'amour non-reçu. J'espère qu'il y a quelque chose après, j'espère qu'il voit mon coeur. Et que l'argent qu'il me laisse rend le dénuement de mon enfance encore plus amer. L'argent oui, autorise quelques plaisirs, mais jamais, au grand jamais, il ne remplacera un père. Maintenant que sur ce plan tout est consommé je réalise que j'ai beaucoup plus de chagrin que par la passé. L'eau prends la place du feu. J'ai des moments où je me sens grise, atone, comme une cendre froide dans un âtre qui a furieusement brûlé. J'ai une certitude: je ne pleure pas assez. Il faut que je m'y autorise car nul ne me demande d'être héroïque à ce point...

    Merci d'aimer me lire David, nous sommes très peu à m'aimer *rire*

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  3. Désirée, l'on sent une évolution par rapport à ton premier texte sur ton père qui paraissait imprégné de colère et même d'une certaine haine.Tu es désormais davantage en frustration,
    regrets et conscience d'un gâchis.Le temps, et effectivement les larmes, doivent faire leur oeuvre.
    Comme l'indique, à juste titre, David rien n'est vraiment simple ni tranché.Chemine encore.
    Egoïstement je remercie ta douleur de nous offrir tes mots si beaux et profonds.
    En toute amitié.
    Renaud

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    1. Bonjour cher Renaud :) Colère à l'encontre de mon père, oui j'en ai nourri une immense. Mais je te rassure: je suis incapable de haïr. Vraiment.Haïr demande une certaine constance et je n'en ai que pour l'amour ;) Je ne me sens pas frustrée non plus, je fais clairement le bilan. Je me sens d'un calme olympien, et sage. Je vois. J'ai beaucoup d'amour en réserve, il ne faut pas le gâcher. Définitivement j'aime mon père. Nous ne nous sommes jamais rencontré si je puis dire. C'est tout. J'espère juste qu'il voit combien il a compté, combien il restera dans mon coeur, j'espère qu'il voit tout, j'espère qu'il est en paix.

      Merci d'être passé Renaud, j'ai toujours plaisir à te voir par ici.

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  4. C'est une question que je me pose souvent : nous voient-ils, depuis l'autre côté ?
    Pour toi, son silence depuis l'ailleurs n'est qu'un complément à celui d'avant, peu de changement finalement, même la blessure reste. Mais les blessures restent toujours. La seule différence, paraît-il, tiendrait à ce que nous en faisons. Je me demande : quand on n'en fait rien, c'est à peser de quel côté de la balance ?
    Ce n'est pas d'oubli que nous devons recouvrir les saloperies qu'on nous a infligées, puisque l'oubli est illusoire. Ce pourrait être de mépris. Il faudrait les jeter dans le marais dégueulasse de nos pires souvenirs, et les regarder s'y enfoncer, là, encore vifs et vociférants, parmi les cadavres silencieux. Après, on arriverait peut-être à trouver la paix, quand la vase et la boue leur aurait rempli la bouche et les aurait engloutis.
    Je viens me poser au bord de tes mots. Je ne veux témoigner de rien, mais je m'attarde sur eux, comme quand on entend de quoi il est question. Je partage les sentiments que j'éprouve à ma lecture, avec ceux qui s'expriment dans tes vers. Je ne me sens de juger de rien : je n'ai là-dessus, comme sur d'autres sujets (de plus en plus nombreux avec le temps), que des questions, des suppositions qui ne se tiennent à rien. Et parmi elles, cette idée bizarre que la vie ne nous apprend pas à reconnaître notre chemin : on dirait plutôt qu'il s'agit peu à peu de le perdre, jusqu'à s'égarer complètement pour finir. Et alors, peut-être comprendre cette autre idée : que l'important n'est pas le but, mais le voyage qui nous y amène ?
    Bien des bises, ma Chère Désirée.

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  5. Quand on en fait rien mon ami on en fait du bien. C'est exactement ce que je fais. Je cesse d'être duel avec moi-même, j'accepte et entre dans le statu quo.Je ne me sens pas "pat" il n'y avait rien à gagner et rien à perdre. Au fond. L'amour ne se commande pas et plus je vieillis plus je trouve que c'est une affaire bien compliquée. Même quand on veut le donner sans contrepartie il arrive qu'il soit dédaigné!


    Les saloperies qu'on nous a infligé et celles que l'on a fait subir, j'ai fait la paix avec elles aussi. J'assume toutes mes vilénies ai-je écrit dans un poème il y a trois ou quatre ans, un truc qui tournait autour de la mort. Voilà c'est tout j'assume avec sagesse et recul, on ne peut pas changer le passé, ce qui est fait est fait, amen. Se tenir droit c'est tout ce qui compte pour moi. Ne pas courber le dos, assumer. L'expiation viendra peut-être plus tard. Mais si dieu existe il connait mon coeur, il sait qu'il n'est pas tout noir. Quand à la méchanceté subie...j'ai tellement murie que je peux comprendre le pourquoi de pas mal de choses peu reluisantes, mensonge, mesquinerie, etc. Je ne suis pas une sainte mais je tiens à me comporter comme un grand humain. Autant que possible. Être heureuse pour que les miens le soient par rebond, c'est impossible sans faire la paix. Le pardon c'est d'abord pour soi, rien que pour soi. Il faut que cela soit pour soi sinon ce n'est qu'une pantalonnade sociale ou religieuse.

    Le chemin se fait plus doux sous mes pas, je crois que j'aperçois au loin le soleil, un joli paysage. Tu vas bientôt le voir toi aussi, j'en suis persuadée.

    En attendant je t'embrasse avec toute ma tendre amitié cher Bifane :)

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