Bilan au deux tiers



Il me disait qu'il n'avait besoin de personne pour avancer.

Je n'ai pourtant jamais connu quelqu'un qui avait autant besoin des autres. Qui était aussi heureux de s'enfermer avec quelques uns.Pour avoir chaud. Pour ne plus trembler.

J'ai longtemps brûlé de faire "partie de". Des miens, des siens, d'être avec les autres ou quelques uns. Dès l'enfance j'ai démontré ce qu'on appelle des "qualités de chef". J'étais le moteur capable de mettre tout un groupe en marche. Puis j'ai grandi. J'ai laissé beaucoup d’enthousiasme aux blessures de l'adolescence. Ma véritable nature a pris le dessus je crois. Je me suis détachée naturellement des groupes pour en devenir l'observateur. Et ce que je voyais ne me plaisait pas toujours.

Le groupe sépare. De tous les autres. Du monde. Je ne voulais pas être séparée et sans vraiment m'en apercevoir je me suis satellisée. J'ai commencé à monter. De plus en plus haut. De plus en plus loin. J'étais toujours chaude mais lointaine. Un peu comme Vénus, ma planète totem, brûlante mais si loin. Si proche du soleil. Si proche de la destruction.

Je suis devenue un électron libre considérant la masse. Silencieux. Pas une sorte d'ermite acerbe, non, j'allais dans l'amour. Je tâchais de rester dans la tendresse bien qu'elle soit souvent mise à rude épreuve par moi-même et les autres. Je restais tributaire d'une grande réactivité, d'une émotivité difficilement contrôlable. Ne pas réagir demandait un véritable effort. Amoindrir, user la violence intrinsèque. Se polir jusqu'à être ronde. Mais pas trop lisse. Lisse serait ennuyeux.

Me voilà au dernier tiers de ma vie. Dans l'acceptation totale de ma singularité d'électron. Il n'y a plus de guerre sur mes terres intérieures, les conflits y sont de plus en plus rares. Un soleil mûr se lève. Il chauffe sans excès. Mon volcan s'endort sans s'éteindre: longtemps encore il bouillonnera en sourdine. Mais la joie le caressera comme un chat qui fait le gros dos, pour qu'il s'apaise et ne fasse plus trop de dégâts.

La compassion a pris doucement lentement le relais. J'observe mon regard sur les êtres, je vois tant de blessures, de fractures mal ressoudées, je n'ignore plus rien: comment les condamner? Je suis très souvent soulevée de tendresse pour ce monde et ses habitants qui font leur possible pour être simplement heureux malgré tout le mal qui leur est fait par une poignée de perdus. Je parcoure les derniers kilomètres qui demeurent pour refermer ma boucle, je n'ai pas peur de la fin qui va commencer. Je suis simplement heureuse.



7 commentaires:

  1. C'est beau ce que tu écris.

    Tes poésies aussi.

    Je reviendrai lire plus en profondeur.

    Merci d'avoir laissé un commentaire sur mon blog, je découvre ici un bel univers. :-)

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  2. Merci Cédric. Moi aussi je reviendrai sur ton blog. A bientôt donc :)

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  3. Je pourrais signer en bas tellement cela me ressemble. Peut-être suis-je un peu plus sombre du fait de la solitude, je vois mes enfants une fois par trimestre - toujours avec leur mère possessive - et les femmes qui rarement me plaisent sont trop abîmées par les hommes.
    Je ne me sens plus d'aucun groupe, capitalisme nazisme socialisme sont les variantes d'un unique projet de domination dont nous voyons aujourd'hui la convergence. Je vis en marge de ces mystifications, je me nourris des amis, et des êtres "humains".

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  4. C'est triste ce que tu me dis mon Pep...cela doit être dur de voir si peu tes enfants. J'ai mon grand qui rentre demain du Poitou où il fait ses études, quatre mois presque que je ne l'ai pas vu. Je sais qu'on va rire, la semaine dernière on a piqué un fou rire au téléphone parce qu'on se faisait un dialogue de sourds. Mon fils est caustique, comme l'était mon père. C'est drôle ce trait de caractère qui saute une génération. Bref c'est souvent qu'on se fend la pipe.

    Comme tu peux le constater, moi non plus je ne fais partie d'aucun groupe, parti ou quoi que ce soit. Je ne suis même pas poète: je déteste vraiment les étiquettes. Je n'arrive même plus à m'entendre avec des gens qui font partie de ceci ou cela, et alors sur facebook, mon dieu il y a un tel entre-soi. Personnellement ça m'évoque les gamineries du genre "j'en fais partie et pas toi " ou celui qui pisse plus loin. En fait j'avais écrit un autre texte à ce sujet, en réaction au comportement d'une connaissance. Mais finalement j'ai publié celui-ci qui est plus gentil et plus proche de moi ^^

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  5. Vous rigolez! C'est moi qui l'ai écrit. Bande de plagiaires de l'âme, voilà votre groupe!

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  6. Mince alors Marmot: on fait partie d'un G.R.O.U.P.U.S.C.U.L.E (ce n'est pas un gros mot) (rire)??? M'étais même pas rendue compte que j'y avais mis un pied d'dans dis donc! ^^

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  7. @Marmonyme: t'avais qu'à le poster avant, na !

    Quand des millions pensent pareil, ça s'appelle une démocratie.
    Quand on sort du rang, on est un groupuscule. C'est le mot juste ;-)
    Pourtant quand tout le monde pense pareil ... moi ça me fait plutôt flipper ;-)

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